L’enquête AlimAdos invite à dépasser les stéréotypes…
Il a fallu 3 années de recherche « AlimAdos » menées sur le terrain auprès de 500 familles avec jeunes de 12 à 19 ans par l’Ocha avec deux laboratoire du CNRS (Alsace et Provence-Alpes-Côte-d’Azur) et l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) pour comprendre la relation des ados à leur alimentation et à leur corps, à décrypter leurs logiques et leurs ambivalences, sans jugement de valeur.
Le constat est rassurant. Parmi les préoccupations sociétales des dernières années, la « malbouffe » et la dramatisation de la progression de l’obésité d’un côté, et de l’autre la montée d’une « halal attitude » et la crainte d’une évolution vers un communautarisme à l’anglo-saxonne peu compatible avec les valeurs de la république, ont pesé lourdement sur le regard porté sur les jeunes par les adultes mais aussi par les jeunes sur eux-mêmes. À l’issue de 3 ans de recherche, l’équipe AlimAdos conclue de façon rassurante sur ces deux points : 1. l’alimentation de nos adolescents relève davantage du plaisir, de la construction de soi et de l’interaction sociale que de l’obésité et des troubles du comportement alimentaire ; 2. les jeunes Français revendiquent des appartenances culturelles multiples et fluides qui s’additionnent sans s’exclure.
La malbouffe ? Non, les jeunes Français de 12 à 19 ans ne sont pas les adeptes exclusifs de la malbouffe ! Bien sûr, ils fréquentent les fast-foods, la street-food se développe, et avec elle des habiletés corporelles des jeunes dont les adultes devraient davantage prendre conscience… Mais le repas familial résiste bien et les petits plats des mères et plus encore des grands-mères exercent sur les jeunes une attractivité inégalée pour le plaisir du goût, la découverte de nouveaux mets et plus encore leur dimension affective.
Le communautarisme alimentaire ? Non, il n’y en a pas chez les ados, ni au niveau d’une culture adolescente ni au niveau des cultures familiales, qu’elles aient été marquées ou non par des parcours migratoires. Les adolescents revendiquent plusieurs appartenances, à définir comme des contextes plutôt que comme des cultures, passant de l’une à l’autre avec facilité comme dans des jeux de rôles, jouant avec les positionnements et les aliments adéquats à des mises en scène de soi et à la recherche d’un style.
Des cultures alimentaires adolescentes ? Oui, on peut en parler. Les jeunes Français sont attachés à des aliments doudous qui apportent du réconfort et à des aliments navette qui marquent les passages. Ils attendent aussi des aliments adaptés à leur besoin de mobilité, de nomadisme et de partage entre copains, ainsi que du ludique et du fun au travers desquels se construisent et se reconnaissent les groupes d’âge. Le lait a un statut particulier : faisant trop bébé à partir de la classe de 5e pour être consommé en public, il retrouve sa place chez les 18/19 ans qui n’ont plus à prouver qu’ils ne sont pas des enfants.
Y aurait-il une rupture de la transmission entre adultes et adolescents ? Non, il n’y en a pas et le plaisir est essentiel dans cette transmission : plaisir alimentaire des jeunes, plaisir des parents et des équipes de restauration scolaire à faire plaisir aux jeunes. Les ados ne sont pas en manque de règles et de normes, et qu’elles soient négociées avec les adultes, réinterprétées et réinventées constamment, c’est leur permettre de s’adapter et de durer à travers ce qui est, pour eux, la fois un jeu et l’apprentissage de l’autonomie. En revanche, vouloir transformer les jeunes en agents de changement des habitudes alimentaires familiales, c’est les mettre en situation de tension trop lourde à porter.
Pourquoi ces changements morphologiques ? Il faut rassurer adolescents et parents sur les changements morphologiques normaux liés à la puberté, à ne pas confondre avec le début de l’obésité ! Grossir, prendre du poids est normal à un moment de la vie adolescente mais à force de culpabilisation et de stigmatisation, même la croissance normale devient dans leur esprit pathologique ! Les stresser et les culpabiliser en faisant de l’alimentation un risque n’est ni nécessaire ni efficace. Ados et parents savent ce qui est bon et mauvais pour la santé, pour ne pas grossir et rester mince.
Il faut donner aux jeunes une éducation alimentaire plutôt que nutritionnelle, qui est en fait une éducation à la vie tout court. Pas facile de choisir entre les bons et les mauvais aliments. Et si les jeunes sont lucides et critiques vis-à-vis de leurs parents, des institutions et d’eux-mêmes, ils sont conscients de l’influence de leurs émotions sur leurs comportements alimentaires et sont capables de comprendre les paradoxes d’une société où cohabitent des intérêts parfois contradictoires.
En résumé… Au terme de 3 ans d’immersion parmi les jeunes Français et leur environnement familial et social, les chercheurs d’AlimAdos ont envie d’inviter les parents et tous les professionnels concernés par l’éducation et l’alimentation des jeunes à un peu moins de pression et à un peu plus de confiance envers les adolescents.
Plus d’informations sur le site de l’Ocha : www.lemangeur-ocha.com.